Article rédigé par Bertrand Godeau, Centre de
référence des cytopénies auto-immunes de l’adulte, Service de Médecine Interne,
CHU Henri Mondor, Créteil (octobre 2014)
Qu’est-ce
que le purpura thrombopénique immunologique ?
Le purpura thrombopénique immunologique
ou « PTI » une maladie bénigne du sang, ce n’est donc ni une leucémie
ni un cancer. Il se traduit par une baisse anormale du taux de plaquettes. Il
s’agit d’une maladie auto-immune au cours de laquelle le système immunitaire du
patient fonctionne de manière trop importante. Nous fabriquons tous des
anticorps qui nous permettent de nous défendre contre les infections. Au cours
du PTI, un dérèglement du système immunitaire aboutit à la production
d’anticorps dirigés contre les propres plaquettes du malade et qui entrainent
leur destruction. Les plaquettes, qui sont avec les globules rouges et les
globules blancs un des composants essentiels du sang, jouent un rôle très
important dans la coagulation du sang. Leur rôle est donc d’éviter la survenue
d’hémorragie. Le taux de plaquettes est normalement compris chez l’adulte entre
150.000 et 400.000/mm3. Au cours du PTI, le taux de plaquettes peut baisser (la
baisse des plaquettes s’appelle une « thrombopénie »), de façon plus
ou moins rapide et plus ou moins importante jusqu’à moins de 10.000/mm3,
exposant ainsi le patient à la survenue d’hémorragie.
Combien de personnes en sont
atteintes et qui peut être atteint ?
Il s’agit d’une maladie orpheline dont
l’incidence est estimée entre 5 et 10 pour 100 000 habitants et par an. Chaque
année, environ 4000 patients sont hospitalisés en France pour un PTI et
il s’agit d’enfant pour 300 à 500 d’entre eux. La maladie peut toucher toutes
les tranches d’âge. Il existe une nette prédominance féminine lorsque la
maladie atteint un adulte jeune (3 femmes pour un homme) mais après l’âge de 50
ans, il existe au contraire une légère prédominance masculine.
A
quoi est-elle due ?
Il s’agit d’une maladie auto-immune. La
cause de l’apparition des anticorps antiplaquettes est inconnue. Elle peut
parfois être favorisée par la survenue d’une infection virale mais l’évolution
est alors souvent rapidement favorable une fois le virus éliminé. Elle peut
également être associée à d’autres maladies auto-immunes comme le lupus ou le
syndrome de Gougerot Sjögren.
Est-elle
contagieuse ?
Non, ce n’est pas une maladie
infectieuse, en revanche certaines infections virales ou bactériennes peuvent
s’accompagner transitoirement d’un PTI.
Mes
enfants peuvent-ils l’avoir ?
Non, même s’il existe une prédisposition
génétique à développer certaines maladies auto-immunes, il ne s’agit pas d’une
maladie héréditaire transmissible à la descendance. Au cours de la grossesse,
il existe un risque que le bébé ait un chiffre de plaquettes bas à la naissance
par transfert passif de l’anticorps antiplaquettes de la mère à l’enfant
pendant la vie fœtale mais ces thrombopénies néonatales sont très rarement
graves et sont toujours transitoires. Les nouveaux nés guérissent en
quelques jours ou quelques semaines.
Quelles
sont les manifestations cliniques ?
En dessous d’un certain nombre de
plaquettes (habituellement 30.000/mm3), la coagulation se fait moins bien, et
l’on peut voir apparaître sur le corps, en l’absence de tout traumatisme, des
saignements sous la forme d’ecchymoses (« bleus ») et/ou de petites
tâches rouges sur la peau que l’on appelle purpura (ou pétéchies). Les
saignements peuvent aussi toucher les muqueuses, engendrant des saignements au
niveau des gencives ou du nez ou des « bulles hémorragiques »
dans la bouche. Chez les femmes en période d’activité génitale, les règles
peuvent être plus abondantes du fait de la baisse des plaquettes.
Exceptionnellement, si le nombre de plaquettes est très bas et si aucun
traitement n’est entrepris pour le faire remonter, des saignements plus graves
peuvent survenir, par exemple dans le cerveau ou l’intestin. Ces saignements
graves sont quasiment toujours précédés par des signes annonciateurs et
notamment des signes sur la peau et au niveau des muqueuses.
La maladie peut fréquemment n’entraîner
aucune manifestation hémorragique, la baisse des plaquettes étant découverte de
façon fortuite à l’occasion d’un examen sanguin systématique.
Quelle
est son évolution ?
Chez l’enfant, la maladie guérit dans 60
à 70% des cas en quelques semaines ou mois. Par contre chez l’adulte, elle
devient chronique, c’est-à-dire se prolongeant au-delà de 12 mois, dans 2/3 des
cas. En l’absence de traitement, l’évolution est ensuite imprévisible avec des
périodes possibles de rémissions ou de rechutes.
Comment
fait-on le diagnostic ?
La thrombopénie se diagnostique sur une
prise de sang après réalisation d’une numération formule sanguine. Il
s’agit d’un examen de routine fait dans tous les laboratoires d’analyse
biologique. Le résultat est disponible en général dans la journée. La baisse
des plaquettes est isolée, les autres éléments du sang (globules rouges et
globules blancs) sont normaux. Ces données sont souvent suffisantes pour
permettre à votre médecin d’évoquer le diagnostic. Dans certains cas, le
médecin peut s’aider d’un myélogramme (voir rubrique suivante) dont la
réalisation n’est pas systématique. Cet examen doit être réalisé lorsque le
malade est âgé de plus de 60 ans ou lorsqu’il existe des atypies dans la
présentation pour ne pas méconnaître d’autres diagnostics de maladie du sang
dont le pronostic et les modalités de prise en charge sont très différents tels
que les syndromes myélodysplasiques. En revanche, lorsque la présentation est
typique et qu’il s’agit d’un sujet jeune, la réalisation du myélogramme n’est le
plus souvent pas nécessaire.
Quels
sont les examens complémentaires nécessaires ?
Le myélogramme consiste à analyser la
moelle osseuse qui se trouve dans les os. Cet examen ne nécessite pas
d’hospitalisation et peut être réalisé sans danger, même lorsque le nombre de
plaquettes est très bas. Il consiste à réaliser une ponction avec une aiguille
au niveau du sternum (os plat à l’avant de la cage thoracique) ou plus rarement
dans le bassin. Cet examen qui s’effectue sous anesthésie locale est désagréable
mais peu douloureux. Le médecin peut alors examiner la moelle osseuse au
microscope. Au cours du PTI, la moelle est osseuse est normale ce qui permet
d’éliminer une maladie du sang comme une leucémie.
Lorsque le diagnostic de PTI est retenu,
d’autres examens reposant sur une simple prise de sang peuvent être nécessaire
pour rechercher une infection ou une autre maladie auto-immune dont nous avons
vu qu’elles peuvent parfois être associées au PTI.
Peut-on
prévenir son apparition ou la dépister ?
La survenue de cette maladie est
imprévisible et il n’existe pas de test biologique ou de test génétique
permettant de déterminer si un sujet est à risque de développer un jour un PTI.
Comme nous l’avons vu, l’existence d’un antécédent familial de PTI n’est pas un
facteur de risque de développer un PTI.
Existe-t-il
un (des) traitement(s) médicamententeux ?
Le traitement est personnalisé et doit
être adapté en fonction de chaque patient. On distingue 2 types de
situation : l’urgence où les plaquettes sont très basses avec des
saignements et où l’objectif est de faire remonter rapidement les plaquettes au
dessus d’un seuil mettant le patient à l’abri d’une hémorragie grave et les
situations chroniques où l’objectif du traitement est d’augmenter de manière
durable le nombre des plaquettes. Dans tous les cas, le but n’est pas de
normaliser le taux de plaquettes mais plutôt de le maintenir au-dessus de
30.000 à 50.000 /mm3 afin d’être à l’abri de saignements graves. Dans le
cadre de l’urgence, on utilise le plus souvent les dérivés de la cortisone,
soit par voie orale, soit par perfusion. Ces médicaments sont très efficaces
mais ne doivent pas être utilisés longtemps à forte dose car ils exposent alors
à la survenue d’effets secondaires importants (ostéoporose, infections,
diabète, prise de poids…). Dans les formes les plus sévères caractérisées par
un syndrome hémorragique important, il est possible d’utiliser les
immunoglobulines intraveineuses qui sont très efficaces et permettent de
corriger le chiffre de plaquettes chez la très grande majorité des patients en
quelques jours mais leur effet n’est malheureusement que très transitoire (2 à
3 semaines au maximum) ce qui justifie qu’elles soient réservées aux situations
d’urgence.
Lorsque le PTI a une évolution
chronique, plusieurs options thérapeutiques sont possibles et il est impossible
de proposer une stratégie unique adaptée à toutes les situations. Le médecin
prendra sa décision en se basant sur la profondeur de la thrombopénie,
l’existence ou non de saignements, l’existence de facteurs pouvant majorer chez
le patient le risque d’hémorragie (âge avancé, prise de médicaments augmentant
les risques de saignements tels que l’aspirine ou les anticoagulants), le mode
de vie du patient (pratique sportive ou professionnelle à risque de
traumatisme) et enfin sans négliger les aspirations du patient à qui devront
être exposés les avantages et les inconvénients des différentes options
thérapeutiques possibles. On peut utiliser différents médicaments tels que le
rituximab, les immunosuppresseurs, la disulone, le danazol, les agonistes du
récepteur de la thrombopoïétine. Il est également possible de proposer une
splénectomie qui est une intervention chirurgicale qui consiste à retirer la
rate. La rate est en effet le principal organe où sont fabriqués les anticorps
qui détruisent les plaquettes et c’est aussi le principal organe où sont situés
les cellules appelées macrophages qui détruisent les plaquettes. Ceci explique
la grande efficacité de la splénectomie qui permet d’obtenir près de 70 % de
guérison.
Existe-t-il d’autres traitements ou
mesures que le patient puisse faire ?
Le malade doit apprendre à reconnaître
les manifestations cliniques à type de saignements qui doivent le conduire à
consulter. Il doit éviter de pratiquer des activités sportives ou
professionnelles à risque de traumatisme si ses plaquettes sont très basses
mais le but du traitement est de permettre au patient de mener une vie
normale. Il est donc le plus souvent possible d’adapter le traitement pour
limiter au maximum le retentissement de la maladie sur le mode de vie du
patient. La prise de médicaments tels que l’aspirine, les anticoagulants ou les
anti-inflammatoires est formellement déconseillée lorsque les plaquettes sont
inférieures à 50 000/mm3. Si l’indication de ces traitements est jugée
indispensable par un autre médecin, elle devra toujours être discutée avec le
médecin interniste ou hématologue prenant en charge le patient pour son PTI.
Le patient doit avertir tous les acteurs
de santé de la baisse de plaquettes en particulier le dentiste ou le chirurgien
si une intervention chirurgicale ou des soins dentaires sont prévus car il
existe des risques d’hémorragie si le taux de plaquettes est très bas.
Enfin il n’y a pas d’influence démontrée
de l’alimentation ou du comportement sur le nombre des plaquettes.
Que
peut-on espérer de ces traitements ?
Ces traitements permettent dans près de
90% des cas de faire remonter les plaquettes à un chiffre supérieur à 30 à 50
000/mm3 permettant au malade de mener une vie normale. Il existe de très rares
situations où les malades sont multiréfractaires et résistent à plusieurs
lignes de traitements. Il est alors possible au malade et au médecin qui le
prend en charge de prendre contact avec le centre de référence des cytopénies
auto-immunes de l’adulte ou de l’enfant afin de discuter une intensification
thérapeutique ou permettre au patient d’accéder à des innovations
thérapeutiques.
Y-a-t-il des effets indésirables de ces
traitements ?
La cortisone (souvent donnée sous la
forme de prédnisone) expose à de nombreuses complications tels que le diabète,
l’ostéoporose, une prise de poids, une augmentation des risques infectieux mais
ces effets secondaires sont observés surtout en cas de traitement prolongé. Au
cours du PTI, la corticothérapie est administrée sur une période courte
(quelques semaines) et elle est le plus souvent très bien tolérée, la plupart
des effets secondaires précédemment indiqués n’ayant pas le temps d’apparaître.
Les immunoglobulines peuvent entrainer
des maux de tête et exceptionnellement une insuffisance rénale chez des
patients présentant des facteurs de risque (surpoids, diabète, insuffisance
rénale antérieure) mais il est possible de prévenir cette complication en
adaptant les doses.
Le rituximab est globalement bien toléré
mais des réactions allergiques peuvent survenir lors de la perfusion. Le risque
infectieux est faible mais il a été rapporté de très exceptionnelles infections
virales du système nerveux appelées « LEMP ». Cet effet secondaire
potentiellement fatal n’a jamais été observé en France dans cette indication
malgré une large utilisation de ce traitement.
Les immunosuppresseurs expose surtout à
un risque infectieux et la plupart contre-indiquent une grossesse.
La splénectomie favorise la survenue
d’infections à un germe appelé pneumocoque qui peuvent avoir une évolution très
sévère. Il est possible de limiter ce risque en vaccinant le patient avant la
splénectomie et en assurant la prise d’antibiotiques en prévention pendant les
2 ans suivant la splénectomie. Elle expose également probablement à une
augmentation modérée du risque de thrombose c’est-à-dire de formation de
caillots dans les vaisseaux.
Les agonistes du récepteur de la
thrombopoïétine sont très bien tolérés à court terme. Il persiste des
interrogations sur leur tolérance à très long terme en cas d’administration
prolongée notamment sur la survenue d’une fibrose de la moelle osseuse dont le
rôle est de fabriquer les différents éléments du sang (globules rouges, globules
blancs, plaquettes).
La disulone peut entrainer une
diminution du nombre de globule rouge qui est habituellement modérée et
transitoire. Le principal effet indésirable est cutané avec un risque
d’éruption cutanée diffuse qui survient toujours dans les 3 premières semaines
de traitement et dont le malade doit être averti. L’arrêt immédiat du
traitement entraîne la disparition rapide de l’éruption.
Le danazol qui est une hormone androgène
expose à un risque de virilisation, à des hépatites et la survenue de
thromboses (phlébites).
Un
soutien psychologique est-il nécessaire ?
Comme au cours de toute maladie
chronique, le patient peut traverser des moments de crainte, de doute ou
d’anxiété. Certains patients signalent une fatigue anormale lorsque leurs
plaquettes baissent. Quelques traitements utilisés au cours du PTI peuvent
parmi leurs effets secondaires engendrer des troubles de l’humeur. Dans les cas
difficiles, une prise en charge par une psychologue peut être proposée au
patient.
Quelles
sont les conséquences de la maladie sur la vie quotidienne (sociale,
professionnelle, familiale) ?
Même si les plaquettes restent basses
malgré les traitements, l’objectif est de permettre au patient de mener une vie
normale. Lorsque les plaquettes sont supérieures à 30 à 50 000/mm3, le patient
peut partir en voyage, avoir une activité professionnelle et faire du sport
avec certaines limites si les plaquettes sont très basses (éviter alors les
activités professionnelles ou sportives à risque de traumatisme) ou conduire sa
voiture comme tout le monde. Il faut en revanche éviter de prendre un
médicament sans en avoir parlé au médecin référent et de consommer de l’alcool
en grande quantité car cela peut augmenter le risque d’hématomes.
Comment
se faire suivre pour la maladie ?
Les patients atteints de PTI sont
généralement pris en charge dans les hôpitaux par des hématologistes ou
des médecins internistes. Le médecin généraliste connaît le plus souvent le
référent local. Dans les cas difficiles, il existe un centre de référence des
cytopénies autoimmunes avec un réseau de spécialistes répartis sur l’ensemble
du territoire national auquel le médecin référent du patient peut faire appel
s’il le juge nécessaire.
Quels
sont les signes à connaître qui nécessiterait de consulter en urgence ?
L’apparition de nombreux bleus en dehors
de tout traumatisme, ou de saignement de nez ou des gencives sont le signe
d’une baisse des plaquettes et nécessitent de contacter le médecin rapidement
pour adapter le traitement.
L’existence d’un saignement digestif
(sang rouge dans les selles, selles noires malodorantes) ou d’un saignement
gynécologique important justifie de consulter à l’hôpital dans les meilleurs
délais. Enfin, tout mal de tête inhabituel dans son intensité ou sa durée doit
immédiatement être pris en compte et conduire le patient à consulter en urgence
pour éliminer une hémorragie dans le cerveau ou les méninges. Ces complications
graves sont cependant exceptionnelles.
Où
en est la recherche ?
La stratégie thérapeutique du PTI en
phase aiguë est bien codifiée mais des recherches sont en cours pour évaluer la
place des différents traitements actuellement disponibles, notamment dans les
formes chroniques. Des travaux sont en cours menés par plusieurs équipes en
France et au niveau international pour mieux comprendre les mécanismes d’action
ou la résistance aux différents traitements actuellement disponibles. Plusieurs
molécules innovantes sont également en développement avec le support de plusieurs
firmes pharmaceutiques.
Y-a-t-il
des associations de patients ayant cette maladie ?
Il n’existe pas d’association de malades
adultes structurées en France contrairement aux pays anglo-saxons où il existe
des associations regroupant plusieurs milliers de patients mais la création de
plusieurs associations de malades est en cours de structuration notamment à
Marseille et à Bordeaux.
Peut-on
avoir une prise à charge à 100% ?
Le PTI ouvre le droit à une prise en
charge à 100%.